L'Inscription hébraïque de Marmande

Article de Clément Dussard

Cette inscription se trouve au premier niveau de la tour maîtresse du château de Marmande (commune de Vellèches, Vienne). Elle est localisée sur trois blocs de pierre appartenant à la même assise du mur (orientation ?) de cette salle.

Dans un très bon état de conservation, elle a été gravée (instrument pointu tiré ou poussé) plutôt que sculptée (instrument percuté), élément en faveur de l’attribution à une initiative personnelle davantage liée à la pratique du graffiti qu’à celle des écritures exposées réalisées sur commande par des professionnels. Les gros plans permettent de voir que son auteur s’y est repris à plusieurs fois avant d’obtenir le résultat souhaité, son outil a parfois dérapé ou dépassé.

Image 1
Image 2

Mise en évidence des traces de gravure, ©Clément Dussart, 2020

Image 2

Situation de l’inscription sur les trois blocs.

Image 2

Relevé de l’inscription.

Malgré son apparente homogénéité, l’inscription a sans doute été réalisée en au moins deux temps, peut-être même par deux mains différentes, les indices permettant de le penser sont la forme des lettres, leur taille et le style de la gravure.

Le tracé du lamed du bloc 1 est plus souple que celui du bloc 2, le tracé du sin du bloc 1 est également plus fin que celui du bloc 2, enfin, la panse du mem du bloc 1 est constituée de plus de traits que celle de la même lettre sur le bloc 2.

Image 1 Image 2

Shin du bloc 1 (à gauche) et du bloc 2 (à droite).

Image 3 Image 4

Lamed du bloc 1 (à gauche) et du bloc 2 (à droite).

D’un point de vue strictement technique, les caractères gravés sur le bloc 1 ne sont pas exactement semblables à ceux des blocs 2 et 3, il faut ajouter qu’il existe encore au moins un caractère visible sous ce premier ensemble du bloc 1, ainsi qu’une esquisse de caractère assez difficile à interpréter (début de gravure abandonné, copie postérieure du caractère voisin ?). Il semblerait logique que le premier bloc ait formé un ensemble cohérent et qu’il faille lire ces deux lignes avant de poursuivre la lecture sur les blocs suivants.

Si les caractères tracés sur les blocs suivants sont très ressemblants, il existe quelques différences notables : la « ponctuation » située sur les caractères est beaucoup moins visible sur le bloc 2 que sur le 3, la réglure donnant la limite supérieure des caractères du bloc 3 semble également inexistante sur le bloc 2. Faut-il en conclure que ces deux blocs ont été gravés à des moments différents ? Il est difficile de répondre à cette question, peut-être le degré de la finition de la surface du bloc, plus grossier pour le 3 que pour le 2 a-t-il pu influer sur la réalisation de l’inscription ou sur le rendu visuel, en l’absence de lettres comparables entre ces deux blocs, il est difficile de se prononcer. Cependant, la présence d’un mem qui n’est pas final à l’extrémité gauche du bloc 2 semble indiquer que le texte se poursuit bien sur le bloc 3.

Image

Détail du bloc 3 : mise en évidence de la réglure supérieure.

Un examen approfondi de l’inscription a permis de remarquer qu’elle avait été recouverte durant un certain temps d’un badigeon de chaux. Il est possible d’avancer que cette couche a été appliquée au XVIe siècle ou avant s’il s’agit bien de la même que celle conservée à quelques dizaines de centimètres de là sur laquelle ont été tracés des lettres dont la forme est caractéristique de cette période. C’est sans doute cette couche protectrice qui a permis à l’inscription de nous parvenir dans un aussi bon état de conservation.

Image 1 Image 2

Détail des restes de badigeon dans le creux des caractères.

Il faut également noter la présence d’une autre ligne, très légèrement incisée sur l’assise inférieure, les caractères sont identiques à ceux des blocs 2 et 3. D’une qualité d’exécution inférieure à celle de l’inscription principale, leur présence est difficile à expliquer, il pourrait s’agir d’une copie du texte à une époque postérieure : un expert en paléographie hébraïque pourrait certainement indiquer si son auteur maitrisait ce type d’écriture.

Image

Mise en évidence des caractères légèrement incisés sur les blocs de l’assise inférieure.

En ce qui concerne la datation de cette inscription du point de vue de son support, elle est certainement comprise entre le XIIe et le XVIe s, dates de la construction de ce mur (?) et du badigeon qui l’a ensuite recouvert.

Clément Dussard